25 novembre 2025 : l’urgence romande face au fléau de la violence de genre

Une personne assise par terre, la tête dans les mains, semblant en détresse ou bouleversée, devant un mur faiblement éclairé.

Le 25 novembre 2025 marque la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Cette date symbolique, commémorant l’assassinat en 1960 des sœurs Mirabal en République dominicaine, est loin d’être une simple formalité.

Elle lance les « 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre », qui se poursuivent jusqu’à la Journée des droits humains le 10 décembre. Ces 16 jours soulignent que la violence de genre demeure la violation des droits humains la plus répandue dans le monde.

En Suisse, et particulièrement en Romandie, cette journée est en 2025 le théâtre d’une mobilisation institutionnelle et sociétale cruciale.

Face à des chiffres alarmants – en 2024, la police a enregistré 21 127 infractions dans le domaine de la violence domestique, dont 70 % des victimes sont des femmes – la Confédération, les cantons et les villes lancent de nouvelles offensives, conscientes que depuis le début de 2025, la Suisse enregistre déjà un nombre très important de féminicides.

I. Le Cadre d’Action 2025 : Campagne nationale et réformes législatives

L’année 2025 représente une étape déterminante dans l’application de la Convention d’Istanbul, ratifiée par la Suisse en 2018. Alors que le Plan d’action national pour la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul (PAN CI) 2022-2026 approche de son terme, les autorités redoublent d’efforts pour renforcer la prévention, la protection et la poursuite des auteurs.

Le lancement de la campagne de prévention

Un élément majeur de cette mobilisation est le déploiement du premier volet de la campagne nationale de prévention de la violence de genre, sexuelle et domestique, qui débute en novembre 2025. Cette campagne pluriannuelle (prévue jusqu’en 2029) vise, dans sa première phase, à mieux informer l’ensemble de la population sur les offres d’aide existantes.

Bien que le nouveau numéro de téléphone national à trois chiffres pour l’aide aux victimes – un service gratuit et disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 (24/7) – ait vu sa mise en service reportée à mai 2026 en raison de complexités techniques et d’adaptations légales, la campagne de 2025 insistera sur la nécessité d’utiliser les ressources existantes.

Révisions législatives et amélioration de la prise en charge

Plusieurs avancées législatives importantes ont marqué l’agenda 2024/2025 et structurent l’action future :

De plus, la Confédération travaille activement à l’amélioration de la prise en charge des victimes. Le Conseil fédéral devrait approuver le projet de révision partielle de la LAVI (Loi sur l’aide aux victimes) d’ici la fin 2025.

Cette révision vise à garantir aux victimes un accès à des prestations médicales et médico-légales spécialisées et de qualité sur l’ensemble du territoire national, incluant le droit d’établir gratuitement une documentation médico-légale des blessures et des traces, même sans procédure pénale.

II. Le nouveau front : La violence numérique, thème de l’ONU en 2025

En cette Journée internationale de 2025, la campagne pluriannuelle des Nations Unies, « TOUS UNiS », administrée par ONU Femmes, met l’accent sur l’une des formes de violence dont la progression est la plus rapide : la Violence numérique Contre les Femmes et les Filles (VCFF).

Illustration de personnes diverses, dont une en fauteuil roulant, levant le poing et manifestant ensemble pour l’égalité et les droits des femmes.
Bannière de la campagne Tous Unis d’ONU Femmes

Cette campagne de 2025, qui s’inscrit dans le cadre du 30e anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, considère la VCFF numérique comme une responsabilité collective. Elle appelle les gouvernements et les entreprises du numérique à financer et mettre en œuvre des mesures globales pour prévenir et combattre ces abus.

III. Le coût humain et économique : Des chiffres insupportables

La violence, quelle que soit sa forme (physique, sexuelle, psychologique ou économique), engendre des coûts massifs et souvent invisibles.

Une étude fédérale a estimé que les coûts tangibles annuels de la violence dans les relations de couple en Suisse se situent dans une fourchette allant de 164 à 287 millions de francs suisses. Ce montant est comparable aux dépenses annuelles d’une ville suisse de moyenne importance.

Ces coûts tangibles (police, justice, soins de santé, pertes de productivité) sont loin d’englober l’impact total. Il faut y ajouter les coûts intangibles — liés à l’altération de la qualité de vie, aux douleurs, aux souffrances et aux peurs — qui s’élèvent à près de 2 milliards de francs (1,969 milliard CHF) calculés sur la durée de vie des victimes.

L’Enfer de la victime et l’urgence de la protection

Le chemin vers la sortie de la violence est long et semé d’embûches. Selon les services d’aide, il faut en moyenne cinq à six tentatives pour qu’une femme parvienne à quitter définitivement son partenaire violent.

La violence psychologique, récemment mise en avant comme thème central des campagnes de sensibilisation, est insidieuse, souvent prélude à la violence physique extrême, y compris le féminicide.

Pour mieux comprendre l’ampleur de cette détresse et la nécessité d’une intervention systémique, nous vous invitons à regarder ce reportage de la RTS :

Le dilemme des programmes pour auteurs de violence

Les victimes demandent souvent que les auteurs soient tenus responsables, non seulement par la justice, mais par une obligation de suivre un programme de prévention pour empêcher la récidive.

Bien que l’article 55a CP révisé en 2020 ait incité les cantons à augmenter le nombre de programmes de prévention obligatoires, les tribunaux peuvent encore rejeter l’obligation de suivre ces programmes, même après condamnation.

Un rapport sur les « Programmes pour les auteurs de violence pour mieux protéger les victimes » est d’ailleurs attendu pour le second semestre 2026, visant à présenter les bonnes pratiques cantonales.

IV. La romandie en action : Efforts locaux et lacunes d’hébergement

La mobilisation du 25 novembre 2025 est particulièrement visible en Suisse romande, où les autorités cantonales et municipales s’alignent sur la campagne fédérale.

À Genève, la campagne contre les violences sexistes et sexuelles s’étale du 13 au 30 novembre 2025. La Ville de Genève, aux côtés du Canton, finance de manière pérenne et renforcée les associations de lutte contre les violences domestiques et liées au genre, avec une augmentation de près de 1,5 million de francs suisses dans l’enveloppe des subventions entre 2022 et 2025.

Affiche de campagne contre les violences sexistes et sexuelles.
Affiche de campagne contre les violences sexistes et sexuelles.

Dans le Canton de Vaud, le Plan d’action pour la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul (2020-2027) est en cours. Le canton promeut activement le programme « As de Cœur » pour les jeunes de 14 à 18 ans dans les institutions scolaires, et a diffusé une campagne pour les jeunes, « Amoureux.se », qui sera étoffée en 2025 avec une capsule dédiée au consentement.

Vaud a également créé une unité de prévention et de lutte contre la violence domestique au sein de la Direction générale de protection de l’enfance.

En matière de prise en charge d’urgence, la Romandie dispose de services cruciaux comme l’Unité de médecine des violences (UMV) au CHUV à Lausanne et la Consultation médico-légale pour adultes victimes de violence (CMLV) aux HUG à Genève.

Ces services offrent des consultations 24/7 et garantissent la documentation des lésions, indépendamment du statut de séjour ou du dépôt de plainte.

Le défi inclusif de l’hébergement

Malgré ces efforts, la question de l’hébergement reste critique. En novembre 2024, la CDAS (Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales) a publié les résultats d’une analyse sur les refuges et les hébergements d’urgence.

Ce rapport, qui a préoccupé le Conseil fédéral en juin 2025, révèle des lacunes importantes :

1. Contraintes de capacité dues à une demande croissante.

2. Manque d’offres spécialisées pour certains groupes vulnérables (personnes handicapées, jeunes femmes, personnes transgenres et non binaires).

3. Accès insuffisant pour les personnes à mobilité réduite.

L’élimination de la violence à l’égard des femmes en 2025 passe par un engagement continu, non seulement dans la sensibilisation et la réforme légale, mais dans la garantie d’infrastructures d’accueil sûres, inclusives et pérennes.

Conclusion : Une mobilisation qui doit s’inscrire dans la durée

La Journée du 25 novembre 2025 met en lumière l’ampleur du défi que représente la lutte contre la violence de genre en Suisse romande et au-delà.

Si les récentes avancées législatives, les campagnes de sensibilisation et les efforts institutionnels témoignent d’une prise de conscience croissante, elles ne seront efficaces que si elles s’accompagnent d’un engagement structurel, coordonné et pérenne.

L’urgence est double : répondre aux besoins immédiats des victimes et transformer en profondeur les mentalités, les systèmes et les pratiques pour prévenir durablement toutes les formes de violence.

En 2025 comme demain, l’éradication de la violence à l’égard des femmes ne peut être reléguée au rang de cause symbolique — elle doit devenir une priorité politique, sociale et humaine de chaque instant.

Sources:
  • https://www.un.org/fr/observances/ending-violence-against-women-day/background
  • https://www.ge.ch/actualite/16-jours-contre-violence-genre-suisse-27-11-2023
  • https://www.ebg.admin.ch/dam/fr/sd-web/sCNS8B62y4ka/Deuxi%C3%A8me%20rapport%20%C3%A9tatique%20de%20la%20Suisse%20Convention%20d’Istanbul%2026.09.2025.pdf
  • https://www.ebg.admin.ch/fr/la-convention-distanbul-en-suisse
  • https://www.ebg.admin.ch/dam/fr/sd-web/KEsUpgVcn2RV/Feuille%20d’information%20campagne%20de%20pr%C3%A9vention%20de%20la%20violence%20BFEG.pdf
  • https://www.rts.ch/info/regions/autres-cantons/2025/article/zurich-lance-une-ligne-d-aide-24h-24-pour-les-victimes-de-violences-domestiques-29038435.html
  • https://www.news.admin.ch/fr/nsb?id=99508
  • https://www.news.admin.ch/fr/nsb?id=102803
  • https://www.news.admin.ch/fr/nsb?id=103312
  • https://www.unwomen.org/fr/what-we-do/ending-violence-against-women/unite
  • https://www.unwomen.org/fr/articles/article-explicatif/les-30-ans-de-la-declaration-et-du-programme-daction-de-beijing-et-leur-importance-pour-legalite-des-sexes
  • https://www.ebg.admin.ch/dam/fr/sd-web/TDTUIRnFo997/Langfassung%20Kosten%20Gewalt%20EBG%202012%20fr.pdf
  • https://evenements.geneve.ch/25novembre-geneve/
  • https://www.ebg.admin.ch/fr/newnsb/T95DpT0sxzewW8a8–k9w